Des scientifiques ont découvert au Brésil deux nouveaux types de virus dont la taille et la complexité génétique sont telles qu’il faudra peut-être repenser la définition exacte des virus.
Les deux nouvelles souches – baptisées Tupanvirus, du nom du dieu brésilien du tonnerre Tupã dans la mythologie guaranie – sont aussi prodigieuses que leur homonyme et, bien qu’elles ne constituent pas une menace pour l’homme, leur existence remet en question les frontières scientifiques qui définissent ce qu’est un virus.
Le Tupanvirus soda lake et le Tupanvirus deep ocean, tous deux nommés en référence aux habitats aquatiques extrêmes dans lesquels ils ont été découverts, ne sont pas seulement parmi les plus grands virus jamais découverts, ils contiennent également le plus grand nombre de mécanismes de fabrication de protéines parmi tous les virus découverts à ce jour.
Les souches, dont les formes à queue optiquement visibles peuvent atteindre une longueur de 2,3 micromètres, comprennent quelque 1,5 million de paires de bases d’ADN, avec suffisamment de gènes codant pour produire jusqu’à 1 425 types de protéines.
En termes de synthèse protéique, cela leur confère “le plus grand appareil de traduction de la virosphère connue”, explique une équipe de recherche dirigée par le virologue Bernard La Scola de l’université d’Aix-Marseille, en France.
Cet appareil place le Tupanvirus dans la famille des virus Mimiviridae, nommée d’après le Mimivirus, qui a été identifié en 2003 – à l’époque, il s’agissait du virus ayant le plus grand diamètre de capside jamais découvert, entre autres attributs notables.
Avant Mimivirus, les virus étaient largement considérés comme totalement distincts des créatures “vivantes”, leur incapacité à synthétiser des protéines (et donc à produire leur propre énergie) étant l’une des raisons pour lesquelles les scientifiques les excluaient de la classification parmi les organismes cellulaires.
Mais la complexité génétique du Mimivirus – et celle d’autres virus géants qui ont été découverts par la suite – remet en question cette frontière théorique, car ils portent des gènes capables de réparer l’ADN, de le répliquer, de le transcrire et de le traduire.
“Avec la découverte des supervirus, nous avons vu que ces gènes peuvent être présents dans les génomes viraux”, a déclaré Jônatas Abrahão, membre de l’équipe à l’origine de l’étude sur le Tupanvirus, au journal brésilien Estadão en portugais.
Et plus nous en apprenons sur les virus géants, plus nous apprenons ce dont ils sont capables.
Les souches de Tupanvirus ne se contentent pas de posséder un ensemble (presque) complet de gènes nécessaires à la production de protéines : environ 30 % de leur génome est inconnu de la science, n’ayant pas encore été découvert dans les domaines des archées, des bactéries et des eucaryas.
De toute évidence, il reste encore beaucoup à apprendre sur le Tupanvirus et les virus géants en général, mais la bonne nouvelle est que cette nouvelle entité – quelle que soit la catégorie à laquelle elle appartient exactement – ne constitue pas une menace pour l’homme, mais uniquement pour les amibes.
Mais si vous êtes une amibe, nous avons de mauvaises nouvelles.
“Comme d’autres virus géants qui ont été découverts dans le passé, le Tupanvirus infecte les amibes”, explique M. Abrahão.
“La différence est qu’il est beaucoup plus généraliste : contrairement aux autres, il est capable d’infecter différents types d’amibes”
Les résultats sont rapportés dans la revue Nature Communications.