La technologie permettant de contrôler un ordinateur par la seule pensée existe depuis des décennies. Pourtant, nous n’avons fait que des progrès limités dans son utilisation pour son objectif initial : aider les personnes gravement handicapées à communiquer. Jusqu’à présent, bien sûr.
Une nouvelle étude a montré qu’une technologie alternative d’interface cerveau-ordinateur peut aider les personnes atteintes du “locked-in syndrome” à parler au monde extérieur. Elle a même permis aux personnes atteintes de déclarer qu’elles étaient heureuses, malgré leur état.
Le stade final de la maladie dégénérative connue sous le nom de sclérose latérale amyotrophique (SLA) ou maladie du motoneurone, laisse les personnes atteintes dans un état d’enfermement total. À la fin, elles ne peuvent plus bouger aucune partie de leur corps, pas même leurs yeux, bien que leur cerveau ne soit pas affecté.
Mais les scientifiques ont eu du mal à utiliser la technologie de l’interface cerveau-ordinateur, qui mesure l’activité électrique du cerveau, pour les aider à communiquer.
L’une des raisons en est que l’on ne sait pas encore très bien dans quelle mesure ces systèmes d’interface cerveau-ordinateur conventionnels dépendent des signaux électriques générés par le mouvement des muscles oculaires.
Une personne souffrant de SLA, qui utilisait une interface cerveau-ordinateur lorsqu’elle pouvait encore bouger les yeux , a perdu sa capacité à communiquer par le biais de cette technologie après s’être complètement verrouillée.
Cela suggère que la majeure partie de l’activité électrique enregistrée par l’ordinateur était liée aux mouvements oculaires involontaires qui se produisaient lorsqu’elle pensait à quelque chose plutôt qu’aux pensées elles-mêmes.
Pour surmonter ce problème, un groupe international de chercheurs a utilisé une méthode différente de détection de l’activité neuronale, qui mesure les variations de la quantité d’oxygène dans le cerveau plutôt que les signaux électriques.
La recherche, publiée dans PLOS Biology, a fait appel à une technique appelée spectroscopie fonctionnelle dans le proche infrarouge, qui utilise la lumière pour mesurer les variations du taux d’oxygène dans le sang.
Comme les zones du cerveau les plus actives à un moment donné consomment plus d’oxygène, il est possible de détecter des schémas d’activité cérébrale à partir des fluctuations d’oxygène.
Cette technique n’est pas aussi sensible aux mouvements musculaires que les systèmes d’électroencéphalographie (EEG) utilisés pour mesurer l’activité électrique.
Cela signifie que la nouvelle méthode pourrait être utilisée pour aider les personnes atteintes de SLA à communiquer avant et après la perte totale de leur capacité de mouvement, car elle est plus susceptible d’enregistrer uniquement l’activité cérébrale liée aux pensées.
L’étude a porté sur quatre personnes atteintes de SLA, dont trois n’étaient pas en mesure de communiquer de manière fiable avec leurs soignants depuis 2014 (la dernière depuis début 2015).
En utilisant la nouvelle technologie d’interface cerveau-ordinateur, ils ont pu communiquer de manière fiable avec leurs soignants et leurs familles sur une période de plusieurs mois. C’est la première fois que cela a été possible pour des patients enfermés.
Les volontaires devaient répondre à des questions de connaissances personnelles et générales auxquelles ils pouvaient répondre par “oui” ou par “non”.
L’interface cerveau-ordinateur a enregistré leurs réponses correctement dans 70 % des cas, ce qui, selon les chercheurs, est suffisant pour montrer qu’ils n’ont pas enregistré la bonne réponse par hasard. Des expériences similaires utilisant l’EEG n’ont pas atteint ce seuil de chance.
Les patients ont également été capables de communiquer leurs sentiments sur leur état, et les quatre ont répondu “oui” à plusieurs reprises lorsqu’on leur a demandé s’ils étaient heureux au cours de plusieurs semaines.
On a même demandé à l’un des patients s’il était d’accord pour que sa fille épouse son petit ami. Malheureusement pour le couple, il a répondu non. Les volontaires ont continué à utiliser le système à domicile après la fin de l’étude.
Comme je le sais par mes propres recherches, travailler avec des patients complètement enfermés demande beaucoup de travail. En particulier, on ne peut pas savoir avec certitude si l’utilisateur a compris comment on veut qu’il donne une réponse que l’on peut essayer de détecter.
Si un système qui a déjà été utilisé pour enregistrer l’activité cérébrale d’utilisateurs valides ne fonctionne pas avec des patients enfermés, il est courant de supposer que c’est la personne, et non la machine, qui est en cause, ce qui peut ne pas être le cas.
De plus, les chercheurs subissent une pression supplémentaire – de la part de la famille du patient et d’eux-mêmes – pour réaliser le rêve de trouver un moyen de communiquer avec les volontaires.
Ces défis soulignent l’importance de cette nouvelle étude. Il s’agit d’un travail de recherche révolutionnaire qui pourrait ouvrir la voie au développement d’une meilleure technologie d’interface cerveau-ordinateur.
Même si le système ne permet pour l’instant aux patients enfermés que de répondre par oui ou par non, il représente déjà une grande amélioration de la qualité de vie.
Le tout premier système d’interface cerveau-ordinateur a été conçu pour permettre à des utilisateurs handicapés (mais non enfermés) d’épeler des mots et de communiquer ainsi tout message qu’ils souhaitaient, au terme d’un processus certes lent et long.
On peut donc supposer que cette nouvelle technologie n’est que la première étape vers des systèmes plus sophistiqués qui permettraient une communication bidirectionnelle libre, non basée sur de simples questions.
Plus important encore, cette technologie a déjà permis de rétablir les capacités de communication de quatre personnes qui étaient muettes depuis des années. Imaginez ce que ces patients et leurs familles ont dû ressentir lorsqu’ils ont enfin pu “parler” à nouveau.
Malgré les défis que pose la recherche sur les interfaces cerveau-ordinateur, ce sont des résultats comme celui-ci qui nous poussent à continuer.