Il y a un problème majeur dans la façon dont nous traitons les souris de laboratoire, et cela pourrait affecter les résultats de l’étude

Plus de 120 millions de rats et de souris de laboratoire sont utilisés chaque année dans le monde. Beaucoup d’entre eux sont utilisés pour étudier des maladies pénibles comme le cancer, l’arthrite et la douleur chronique, et presque tous passent leur vie dans de petites cages vides : une sorte d’enfermement permanent.

Notre nouvelle analyse montre que ce logement artificiel et restrictif provoque un stress chronique chez les rats et les souris, ce qui modifie leur biologie. Cela soulève des questions préoccupantes quant à leur bien-être et à leur représentativité des patients humains typiques.

Nous avons identifié cet impact du logement en extrayant les données de plus de 200 études qui ont examiné les effets de la conception des cages sur les résultats de santé connus pour être sensibles au stress chez les humains, tels que les taux de mortalité et la gravité de maladies comme les maladies cardiovasculaires, le cancer et les accidents vasculaires cérébraux.

L’importance du logement

Les études que nous avons synthétisées comparent toutes les “boîtes à chaussures” conventionnelles – les petites cages stériles typiques des laboratoires – avec des logements mieux équipés, contenant des roues de roulement, des nichoirs, de l’espace supplémentaire ou d’autres éléments permettant des comportements naturels comme creuser, grimper, explorer et se cacher.

Dans l’ensemble, les animaux placés dans des cages conventionnelles sont devenus plus malades que ceux placés dans des logements mieux équipés. Par exemple, s’ils étaient atteints d’un cancer, ils développaient des tumeurs plus importantes.

Les animaux logés de manière conventionnelle couraient également un plus grand risque de mourir, leur durée de vie moyenne étant réduite d’environ 9 %. Les scientifiques savent depuis des décennies que les rats et les souris veulent plus de confort, d’exercice et de stimulation que ce qui leur est normalement fourni, et que les cages conventionnelles induisent donc un comportement anormal et de l’anxiété.

Mais il s’agit de la première preuve qu’elles provoquent également une détresse chronique suffisamment grave pour compromettre la santé des animaux.

Lorsque les souris sont confinées dans des environnements stimulants, elles sont en meilleure santé. (Aileen MacLellan/Auteur fourni)

Constatations sur le stress

Notre étude – comme beaucoup d’autres avant elle – a également mis en évidence des problèmes méthodologiques et une mauvaise communication des détails expérimentaux. Par exemple, les rongeurs utilisés étaient des mâles, peu d’études utilisant des animaux femelles.

En outre, bien que les effets du logement aient été étudiés, deux tiers des études que nous avons analysées ne décrivaient pas complètement les conditions de vie des animaux. Nos résultats corroborent de nombreuses suggestions antérieures selon lesquelles les rats et les souris vivant dans des cages stériles et dépourvues de stimulation ne sont peut-être pas des modèles appropriés, et ce pour plusieurs raisons. Les animaux de recherche sont généralement des mâles, ainsi que souvent en surpoids, parfois frigorifiés de façon chronique et atteints de troubles cognitifs.

Nous soupçonnons que le recours à des animaux “CRAMPES” – froids, grassouillets, anormaux, mâles, enfermés et en détresse – pourrait contribuer à expliquer les faibles taux de réussite actuels de la recherche biomédicale. Il existe déjà des exemples d’études de recherche qui génèrent des conclusions très différentes selon la façon dont les animaux sont détenus, et nous voulons maintenant évaluer dans quelle mesure cela se produit.

Le fait que le logement soit essentiel pour la biologie des rongeurs, mais souvent mal décrit dans les articles, pourrait également contribuer à expliquer la “crise de reproductibilité” : au moins 50 % des résultats de la recherche préclinique ne peuvent être reproduits lorsque d’autres scientifiques refont une étude.

Le logement est essentiel au bien-être des souris de laboratoire. (Comprendre la recherche sur les animaux/Wikimedia Commons)

Les politiques canadiennes

Seuls 1 à 2 % des animaux de recherche dans le monde vivent au Canada, alors pourquoi les Canadiens devraient-ils s’en soucier ? Tout d’abord, parce que cela signifie que 1,5 à 2 millions d’animaux sont involontairement stressés, ce que toute personne qui se soucie des animaux trouvera préoccupant.

Mais si le logement des animaux modifie effectivement les conclusions de la recherche, cela a aussi des conséquences financières. Le Canada dépense environ 4 milliards de dollars canadiens par an pour la recherche en santé.

Selon les estimations américaines, si la moitié de cette somme est consacrée aux animaux, dont seulement 50 % sont reproductibles, alors le Canada pourrait dépenser environ 1 milliard de dollars canadiens par an pour des études non reproductibles sur les animaux.

Et même lorsque les études sont reproductibles, bien moins de 5 % d’entre elles produisent des avantages médicaux utilisables pour les humains. Il s’agit d’un contraste énorme avec les attentes du public canadien, qui estime qu’environ 60 % des travaux sur les animaux mènent à de nouveaux médicaments pour les humains.

Les normes canadiennes exigent que les souris disposent de matériaux de nidification qui leur permettent de rester au chaud, mais est-il temps de les améliorer encore ?

Les “boîtes à chaussures” dans lesquelles vivent actuellement les rats et les souris devraient cesser d’être ignorées comme s’il s’agissait d’une toile de fond neutre, et être plutôt considérées comme un facteur déterminant de la santé : un facteur que nous pouvons modifier, améliorer et étudier. Cela nous permettrait de mieux modéliser les divers déterminants sociaux de la santé humaine, tout en améliorant le bien-être des animaux

Georgia Mason, professeur, biologie intégrative, Université de Guelph et Jessica Cait, doctorante, biologie intégrative, Université de Guelph.

Cet article est republié de The Conversation sous une licence Creative Commons. Lire l’article original.