Le trou d’ozone reste une menace mondiale, malgré tous nos efforts

Les gros titres de ces derniers mois ressemblent à un éco-thriller international.

À l’observatoire Mauna Loa, perché sur un volcan hawaïen, des chercheurs mesurent des niveaux inhabituels de CFC-11 dans l’atmosphère.

Ces mesures déconcertent la communauté scientifique : Le CFC-11, un puissant gaz destructeur d’ozone, a été soigneusement surveillé depuis qu’il a été interdit par le protocole de Montréal de 1987. Mais les mesures sont rapidement confirmées par des stations d’observation au Groenland, aux Samoa américaines et en Antarctique.

Les preuves révèlent une production illégale de ce produit chimique interdit, qui menace la fragile reconstitution de la couche d’ozone qui protège la Terre des rayons UV. Mais l’identité du super-vilain environnemental reste un mystère.

Puis, une percée. En faisant tourner à l’envers des modèles climatiques mondiaux, une équipe de scientifiques de Boulder, dans le Colorado, remonte la source du CFC-11 jusqu’en Asie orientale.

La piste est reprise par l’Environmental Investigation Agency, une minuscule organisation militante basée au-dessus d’un café à Islington, à Londres. L’EIA envoie des enquêteurs en Chine et découvre une production illégale et endémique de CFC-11 pour la mousse d’isolation utilisée dans l’industrie du bâtiment chinoise.

“C’est un crime environnemental à grande échelle”, déclare Clare Perry, responsable de la campagne climatique de l’EIA.

Pendant ce temps, des scientifiques et des diplomates du monde entier convergent vers Vienne pour une réunion du groupe de travail des Nations unies sur le protocole de Montréal. Le rapport phare de l’EIA figure en bonne place à l’ordre du jour.

Mais la communauté internationale peut-elle s’unir une fois de plus pour protéger la couche d’ozone et sauver “le traité environnemental le plus réussi au monde” ?

Un modèle de coopération

La dernière fois que le trou d’ozone a fait la une des journaux, le président Ronald Reagan mangeait encore des dragées dans le bureau ovale. En 1985, des scientifiques britanniques ont annoncé la découverte d’un déclin choquant des concentrations d’ozone atmosphérique au-dessus de l’Antarctique.

Le “trou d’ozone”, comme on l’a appelé, était causé par des produits chimiques destructeurs d’ozone, les chlorofluorocarbones (CFC), utilisés comme réfrigérants dans les climatiseurs et comme agents propulseurs dans les bombes aérosols.

Cette découverte a galvanisé l’opinion publique, notamment en raison des inquiétudes liées aux risques de cancer de la peau, de cataractes et de coups de soleil associés à une exposition accrue aux rayons ultraviolets.

En Australie et en Nouvelle-Zélande, des campagnes publicitaires populaires mettant en scène une mouette dansante ont encouragé les amateurs de plage à “enfiler une chemise, mettre de la crème solaire et mettre un chapeau”.

Bien qu’il subsiste de nombreuses incertitudes sur le plan scientifique – que l’industrie chimique s’empresse d’exploiter – le président Reagan reconnaît le danger que représente le trou d’ozone et soutient vigoureusement les négociations internationales visant à interdire les CFC, y compris le CFC-11.

Le 1er janvier 1989, le protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone est devenu une loi.

Dans sa déclaration de signature, Reagan a salué le protocole de Montréal comme “un modèle de coopération” et “un produit de la reconnaissance et du consensus international sur le fait que l’appauvrissement de la couche d’ozone est un problème mondial”.

Ce protocole reste sa réalisation environnementale phare.

Un impact durable sur le climat de la Terre

Trois décennies après Montréal, la couche d’ozone montre des signes de récupération. En janvier 2018, une étude de la NASA a révélé que le trou d’ozone était le plus petit qu’il ait été depuis 1988, l’année précédant l’entrée en vigueur du protocole de Montréal. Mais un rétablissement complet prendra des décennies.

“Les CFC ont une durée de vie de 50 à 100 ans, donc ils s’attardent dans l’atmosphère pendant très longtemps”, a déclaré la scientifique de la NASA Anne Douglass, l’un des auteurs de l’étude. “Pour ce qui est de la disparition du trou d’ozone, nous envisageons 2060 ou 2080”

Entre-temps, les CFC continuent d’avoir un impact sur le climat de la Terre de manière inattendue. Les CFC sont de puissants gaz à effet de serre, avec un potentiel de réchauffement plus de 5 000 fois supérieur à celui d’un poids équivalent de dioxyde de carbone.

On estime que l’interdiction des CFC et d’autres substances chimiques appauvrissant la couche d’ozone a retardé le réchauffement de la planète de près de dix ans.

Toutefois, ces progrès sont menacés par les produits chimiques qui, tout en protégeant la couche d’ozone, piègent la chaleur et qui ont remplacé les CFC dans nos climatiseurs et nos isolants. Le dernier amendement au protocole de Montréal prévoit l’élimination progressive de l’utilisation de cette nouvelle catégorie de produits chimiques d’ici 2028.

L’influence complexe du trou d’ozone sur l’atmosphère et les océans de la Terre est encore plus surprenante.

La perte d’ozone absorbant les UV au-dessus du pôle Sud a modifié la configuration des vents autour de l’Antarctique. Les vents plus forts soufflant sur l’océan Austral attirent davantage d’eau profonde vers la surface, où elle est “ventilée” par le contact avec l’atmosphère.

Les eaux profondes de l’Antarctique sont riches en carbone, ce qui en fait un mauvais absorbeur de CO₂ atmosphérique.

Cela signifie que l’océan est devenu moins efficace pour éliminer l’excès de dioxyde de carbone de l’atmosphère, ce qui réduit sa capacité à compenser le réchauffement climatique.

Les leçons d’un monde évité

Le succès du protocole de Montréal est riche d’enseignements pour les efforts déployés aujourd’hui pour faire face au changement climatique d’origine humaine.

Le leadership énergique de Reagan et du Premier ministre britannique de l’époque, Margaret Thatcher, chimiste de formation, a été crucial lors des négociations du traité.

Le protocole a commencé modestement et a été conçu pour être flexible afin que d’autres substances appauvrissant la couche d’ozone puissent être éliminées par des amendements ultérieurs. Les pays en développement ont également bénéficié d’incitations et d’un soutien institutionnel pour atteindre leurs objectifs de conformité.

Mais la leçon la plus importante est peut-être la nécessité d’agir, même lorsque les données scientifiques ne sont pas encore concluantes.

“Nous n’avons pas besoin d’une certitude absolue pour agir”, déclare Sean Davis, un climatologue de la National Oceanic and Atmospheric Administration américaine.

“Lorsque Montréal a été signé, nous étions alors moins certains des risques des CFC que nous le sommes aujourd’hui des risques des émissions de gaz à effet de serre.